[article] La grippe existe-t-elle ?

L’énigme de la variabilité d’une maladie à l’heure de la culture bactériologique (1890-1914).

Résumé

Les variations des microbes et de leur virulence ont constitué un défi constant pour les premiers microbiologistes, nœuds des échanges avec les cliniciens et les épidémiologistes. Ce défi touchait à une question cruciale en médecine, jusqu’à aujourd’hui : celle de l’existence des maladies comme des entités distinctes présentes dans la nature, ou de leur compréhension comme des objets historiques et physiologiques. La bactériologie est considérée comme le pivot d’un tournant ontologique, apportant la preuve irréfutable de l’existence de maladies spécifiques causées par des microbes invisibles. Avec le cas des études médicales sur la grippe entre 1890 et 1914 en France, l’article s’attache à décrire au contraire le foisonnement théorique au sein de cette nouvelle discipline microbiologique et les liens renouvelés avec d’autres disciplines pour définir originalement ce qu’est cette maladie. Il éclaire comment les bactériologistes français ont participé de manière unique après la pandémie de grippe « russe » à la transformation de l’identité médicale de la grippe en une maladie infectieuse et contagieuse, sans se focaliser nécessairement sur la découverte d’un microbe spécifique.

Abstract

Variations in microbes and their virulence have been a constant challenge for the early microbiologists, and a focal point of exchanges with clinicians and epidemiologists. This challenge touched upon a crucial question in medicine: that of the existence of diseases as distinct entities present in nature, or of their understanding as historical and physiological objects. Bacteriology is considered to be the pivot of an ontological turning point, providing irrefutable proof of the existence of specific diseases caused by invisible microbes. Bringing the case of medical inquiries on influenza between 1890 and 1914 in France, the article aims to describe, on the contrary, the theoretical proliferation within this new microbiological discipline and the renewed links with other medical disciplines in order to originally define what this disease is. It sheds light on how, after the so called "Russian" flu pandemic, French bacteriologists participated in a unique way in the transformation of the medical identity of influenza into an infectious and contagious disease, without necessarily focusing on the discovery of a specific microbe.

Pour lire la suite cliquez ici